Mohamed Ali Eltaher
 

Biographie

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SUR LE SENTIER D’UN ACCOMMODEMENT
MUTUELLEMENT SATISFAISANT

Effectivement à ce stade de la recherche d’une solution, et à supposer que le monde veuille trouver une solution à la question palestinienne et non prôner sa dissolution, nous devons commencer par trouver un « accommodement mutuellement satisfaisant » avant de parler paix. Les conditions requises pour une paix entre Israéliens et Palestiniens ne sont pas encore présentes, et les deux peuples sont bien différents l’un de l’autre. Un est plutôt de caractère occidental, tandis que l’autre représente une société typique du Moyen Orient. Si les deux aiment manger le houmous (pois chiches), cela ne veut pas dire automatiquement qu’ils puissent partager le même lit !

Ceux du camp arabe qui parlent d’un état binational dans l’espoir qu’ils puissent dépasser les Juifs démographiquement rêvent en couleur. Ceux du camp juif qui pensent que les Palestiniens seront castrés et apprivoisés dans un état binational puis transformés en domestiques et en main-d’œuvre à bon marché sont aussi des rêveurs.

Il est navrant de le dire, mais parmi les Arabes et les Palestiniens il y a aussi ceux qui parlent de « jeter les Juifs dans la mer », et il y a également ceux parmi les Juifs qui rêvent d’une solution finale (Entlösung) au problème en déportant les Palestiniens en masse vers les pays voisins. Les Arabes ne pourront mettre leurs rêvent en exécution, tandis qu’Israël peut le faire, et personne ne réagira. Les seules réactions prévisibles seront celles du Conseil de sécurité de l’ONU qui pourra se réunir en session urgente qui sera vite levée suite à un veto. Puis il y aura la réaction des délégués auprès de la Ligue Arabe, qui vont protester, hurler, crier et sauter de haut en bas avant d’organiser quelques dîners et finalement feront toutes sortes de réclamations et des demandes. Pendant ce temps quelqu’un finira par organiser un concours de poésie arabe de grande envergure puisque l’occasion se présente ! Mais le résultat, en ce qui concerne les Palestiniens, sera la perte totale de leur patrie, et les camps de réfugiés d’Amman et de Beyrouth accueilleront deux autres millions de réfugiés palestiniens. Est-ce ce que nous voulons ? Bien sûr que non !

Dans le fameux conte d’«Alice au pays des merveilles » publié en 1865 par Charles Lutwidge Dodgson (du nom de plume Lewis Carroll), lorsqu’Alice s’égare dans la jungle et rencontre le chat, elle lui demande : « Excusez-moi Monsieur, pouvez-vous me dire s'il vous plaît, où dois-je m'y rendre à partir d’ici ? ». Le chat lui répond cyniquement : « Tout dépend de là où vous voulez vous rendre ! »35. Tout en gardant cela à l’esprit, nous devrons tracer notre sentier vers un accommodement en identifiant les acteurs, établir qui est responsable, comment ils se perçoivent, et ce qu’ils veulent, examiner leurs positions, et savoir ce qui doit se passer avant d’examiner les solutions au problème et d’établir la paix entre les adversaires.

QUI EST RESPONSABLE?

Les deux gouvernements d’Israël, et les deux gouvernements de la Palestine

Il existe en effet deux gouvernements d’Israël dans le monde, le gouvernement élu siégeant à Jérusalem, et le gouvernement autoproclamé de facto sis dans la capitale américaine Washington, à savoir l'American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) en collaboration avec beaucoup d’autres associations locales et internationales, et même des concurrents. AIPAC, qui détient probablement plus de pouvoir aux États-Unis que les syndicats et la puissante Association des armes à feu combinés, est une coalition de leaders juifs et non-juifs issus du gouvernement, du monde des affaires et des finances, des médias, ainsi que d’autres leaders ayant un agenda semblable.

Les opérations d’AIPAC sont conduites grâce à une bureaucratie professionnelle, un effectif dédié et très bien rémunéré gérant un budget de plusieurs millions de dollars, dont une bonne partie provient de dons exonérés d’impôts, obtenus directement ou indirectement des contribuables juifs et non-juifs. Derrière tout ce monde on distingue aussi un vaste réseau de volontaires fort assidus, dont quelques-uns sont profondément religieux, d’autres pas tellement. Certains sont dévoués au point d’aller combattre dans les différents rangs militaires de l'armée israélienne (TSAHAL), même s’ils sont citoyens des États-Unis.

En Amérique du Nord par exemple, des organisations comme AIPAC œuvrent dans ce qu’elles décident être l’intérêt des communautés juives d’Amérique, qu’elles considèrent comme étant identique à celui d’Israël. Or cela n’est pas toujours le cas, parce que les habitants d’Israël sont ceux qui sont sur le terrain, qui reçoivent les coups, et non ceux d’Amérique du Nord. Parfois le gouvernement d’Israël trouve que sa politique étrangère envers les États-Unis est détournée par ces AIPAC, dont la garde prétorienne se trouve à la Maison blanche, au Congrès, au Sénat, dans les services de renseignement, au Pentagone, dans les médias, les diverses synagogues et les hautes instances des finances. AIPAC peut se permettre d’être aussi radical qu’il le désire, et exerce des pressions sur les gouvernements israéliens successifs pour qu’ils acceptent ce qu’il préconise sur la base du fameux dicton « Ce qui est bon pour les Juifs américains est bon pour Israël ».

AIPAC et le gouvernement d’Israël peuvent ne pas être d’accord sur la représentation des Juifs à Washington. Mais l’ambassade d’Israël est suffisamment pragmatique pour réaliser leur interdépendance. Israël a besoin d’organisations comme AIPAC, la Conférence des présidents des principales organisations juives-américaines et d’autres pour obtenir ce qu’il veut du gouvernement américain et cela fonctionne bien. AIPAC influence et organise au moins une partie des milliards de dollars qu’Israël reçoit des États-Unis, et estimés à quelque 46.500 dollars par citoyen israélien chaque année, selon les rapports de presse. Pour justifier, rendre légitimes et financer ses propres activités, AIPAC joue sur les convictions profondes des Juifs voulant que le devoir de soutenir Israël est un « mitzva », ou commandement divin.

La force de ces organisations en Amérique du Nord se fonde sur plusieurs piliers, dont le principal est leur emprise sur le gouvernement des États-Unis et sur le pouvoir législatif. Bien sûr, aucun Américain n’admet que cela est effectivement le cas, mais c’est ainsi que les choses se présentent.36

Ceux qui pensent que le gouvernement américain exercera des pressions concrètes et continues sur Israël à aucun moment pour s’entendre avec les Palestiniens doivent rêver! Les États-Unis soutiennent ceux qui sont forts, organisés et qui défendent leurs intérêts continuellement et obstinément. L’AIPAC en est un bon exemple.
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