Mohamed Ali Eltaher
 

Biographie

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Arabes, Juifs et Israéliens : saisir les complexités

Culturellement et du point de vue nationalité, les habitants de la Palestine sont considérés des Arabes. Pourtant, du point de vue ethnique ils sont les descendants de migrations ayant eu lieu au cours de décennies d’autres peuples tels que : Cananéens, Phéniciens, Arabes, Grecs, Italiens, Maltais, Romains, Égyptiens, Africains, Berbères de l’Afrique du nord, Kurdes, Turcs, Persans, Tcherkesses, populations provenant de la Tchétchénie et du Daghestan, ou descendants de différents peuples occidentaux et de l’Europe de l’Est qui ont participé aux Croisades, ainsi que d’autres.

Aujourd’hui, les Palestiniens sont parsemés géographiquement, un peu comme les Juifs l’étaient lors de la diaspora :

1. Il y a un Yishuv palestinien, c'est-à-dire une communauté palestinienne qui continue de vivre aujourd’hui dans son pays ancestral, et dont les membres sont des citoyens de l’état d’Israël ; leur vie est influencée par leur patrimoine arabe historique et leur vie quotidienne dans une société israélienne.

2. Il y a une population de réfugiés éparpillés dans divers pays arabes, dont la plupart sont apatrides, alors que bon nombre d’entre eux ont réussi à acquérir la citoyenneté du pays où ils se sont réfugiés. Ceux qui n'ont pas obtenu une autre citoyenneté, donc demeurent sans passeports en bonne et due forme, mais voyagent sur des Laissez-passer livrés par les gouvernements arabes, et qui ont la distinction de leur rendre tout voyage bien plus compliqué que celui d'une bête domestiquée.

3. Il y a une diaspora palestinienne dispersée sur tous les continents. Certains sont citoyens de pays d’adoption, tels que les Palestiniens-Américains ; d’autres sont des résidents étrangers détenteurs de permis de travail temporaires, comme les Palestiniens ayant des passeports jordaniens mais vivant en Arabie saoudite, par exemple.

4. Il y a une population vivant en Cisjordanie sous occupation israélienne, plutôt comme dans un camp de concentration, entouré de murs de séparation, de miradors et de soldats en mitrailleuses.

5. Finalement, il y a la Bande de Gaza dont la population est traitée par tout le monde comme une colonie de lépreux, et où ils sont isolés comme les castes d’intouchables en Inde, et ce, dans les meilleures conditions.

Au Proche-Orient comme en Irlande du Nord ainsi que dans plusieurs autres pays, la religion constitue l'identité des populations. Donc les Palestiniens et les Arabes un peu partout définissent les Israéliens comme « Yahoud » (de Yahweh), c'est-à-dire les Juifs, qui est un nom utilisé depuis les temps immémoriaux. En général, les Arabes appellent les Palestiniens devenus citoyens de l’État d’Israël soit « Palestiniens d’Israël », « Arabes d’Israël », ou bien les « Arabes de 1948 ». Cette dernière appellation est considérée par certains parmi les Palestiniens citoyens d’Israël comme une appellation péjorative, même si ceux qui les décrivent ainsi ne le font que par habitude, sans vouloir les insulter d’aucune façon.

Les Juifs se considèrent, et sont considérés par les Goyim (c'est-à-dire les non-Juifs), comme étant Juifs en tant qu’identité, c’est-à-dire ils sont Juifs en tant que nation et en tant que religion, nonobstant leur patrimoine ethnique. Ethniquement, ils ne sont pas tous pareils, puisque parmi eux il y a des Européens, des Asiatiques, des Africains et des Arabes. La création de l’État d’Israël a offert aux Juifs un lieu de rassemblement sous une citoyenneté. (Dans plusieurs cas, bien sûr, ils peuvent détenir une double ou même triple citoyenneté). Il est vrai que les Palestiniens de confession musulmane, chrétienne, druze et juive qui n’ont pas quitté ou n'ont pas été chassés de la Palestine lors de la création de l’État d’Israël sont presque tous devenus citoyens israéliens. Il reste que lorsqu’on parle d’Israéliens en général cela désigne uniquement les personnes de confession juive.

En parlant des Palestiniens, la plupart des Israéliens les désignent comme étant « les Arabes », le terme étant parfois utilisé avec un sens péjoratif, ou bien comme moyen supplémentaire pour effacer l’identité et l’existence des Palestiniens en tant que peuple distinct. C’est partiellement aussi parce que ce terme comprend tant les chrétiens que les musulmans. Lorsque les Israéliens veulent identifier les Palestiniens plus précisément, ils les décrivent comme « musulmans ou chrétiens arabes ». Ils se réfèrent aux Palestiniens de confession druze vivant en Israël simplement comme Druzes, et les traitent différemment du reste de la population palestinienne.

Une bonne partie des Israéliens traitent les Palestiniens avec condescendance, un peu comme les Nazis traitaient les juifs avec dédain en Allemagne. Tout Arabe ou musulman est considéré comme un terroriste potentiel. D’autre part, pour les Arabes et les musulmans en général, le mot « Juif » est synonyme d’agent de renseignements israélien, et les colons sont vus commes des vandales armés qui sont officiellement parrainés par l'état. Tout cela est bien sûr triste, quoique compréhensible. Les deux peuples doivent reconnaître le patrimoine de l’autre afin qu’il puisse à son tour reconnaître le leur. Aussi difficile que cela puisse être pour quelques uns, le « Weltanschauung » (la vision du monde) des Israéliens et des Palestiniens doit bien sûr inclure celle de ceux qui les entourent. Cela est plus facile à le dire qu’à le faire, mais il faut toujours faire un premier pas. L’éducation à la maison et à l'école constitue toujours le meilleur point de départ, surtout si le but visé à long terme consiste à instaurer un accomodement suivi d'une paix entre les deux peuples.

 

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