Mohamed Ali Eltaher
 

Biographie

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L’engrenage de la fuite d’Abdelkrim fut effectivement enclenché lorsque le SS Katoomba avait fait escale à Aden. Les détails de l’événement furent révélés par Farouq Loqman, le fils de Mohamed Ali Loqman, propriétaire du quotidien “Aden Chronicle”, qui était publié en anglais à Aden. Ce dernier était un ami à Eltaher. Dans un article publié par le quotidien “Asharq Al-Awsat” publié à Londres en juillet 1993, Loqman écrivit qu’il était un jeune élève à Aden et qu’il avait connu Abdo Hussein Eladhal, qui avait envoyé le fameux télégramme à Eltaher l’avisant du départ d’Abdelkrim vers Suez. Dans ses mémoires, Eladhal raconte que “le 22 mai 1947 le navire australien SS Katoomba, avec Abdelkrim à son bord, largua les amarres à Aden pour se ravitailler.

Personne bien sûr n’était au courant de la présence d’Abdelkrim. Mais lorsque ses enfants ont débarqué pour aller visiter la ville, Eladhal les a croisés par pur hasard dans la rue Zaafaran. De par leurs vêtements et la langue qu’ils parlaient il leur avait reconnu un profil arabe. Il les avait alors salués et avait compris par sa conversation avec leur aîné qu’il était le fils d’Abdelkrim, le héro du Rif. Le fils invita éventuellement Eladhal à l’accompagner à bord du navire, où il rencontra Abdelkrim en personne, et l’invita ainsi que sa famille à honorer la ville d’une visite.

Dans ses mémoires, Eladhal décrit le déjeuner qu’il avait organisé dans un des hôtels d’Aden auquel il avait invité plusieurs dignitaires de la ville. Il a ajouté "qu’une fois la nouvelle de la présence d’Abdelkrim s’est répandit dans la ville d’Aden, une large foule remplit les rues adjacentes de l’hôtel s’amassa pour le saluer. Lorsqu' Abdelkrim et son entourage furent conduits en voiture pour visiter la ville, plusieurs personnes les accompagnèrent en cortège tout au long du parcours". Eladhal conclut que le 23 mai 1947 à 15h le SS Katoomba quittait Aden avec Abdelkrim et sa famille à bord. Après leur avoir fait les adieux, il a envoyé des télégrammes à plusieurs personnes qu’il estimait être en mesure de sauver Abdelkrim de ses capteurs. Un de ces télégrammes fut celui envoyé à Eltaher, tel que cité et illustré plus haut.

À l'entrée du Bureau du Maghreb arabe au Caire en 1947
Première rangée de droite à gauche: Eltaher; le nationaliste tunisien Habib Bourguiba; Émir Abdelkrim El-Khattabi;
Émir Fadl Bin Abdel-Karim, Sultan du Lahj et Allal El-Fassi, leader du Parti de l'Istiqlal du Maroc.
Deuxième rangée de droite à gauche: Les nationalistes tunisiens Habib Thameur et Mohieddine El-Klibi, le dernier en costume tunisien traditionnel; Abdallah El-Jeffry, Conseiller des Sultans du Lahj, en turban de son pays.
Les autres ne sont pas identifiés

 

Dans son entrevue susmentionnée de 1962 avec le quotidien “Al-Hayat”, Eltaher révéla que “lorsque la France a transféré Abdelkrim et sa famille en 1947 de son exil dans l’île de La Réunion, elle avait déclaré qu’ils avaient été transférés vers le sud de la France pour des raisons humanitaires. En réalité la France voulait utiliser Abdelkrim pour menacer le roi Mohamed V du Maroc, aussi connu sous le nom Mohamed Ben Youssef, que la France n’arrivait pas à maîtriser, voire pacifier son peuple”. La France pensait que si Mohamed V n’agissait pas conformément à ses désirs, elle brandirait Abdelkrim en menaçant de l’installer comme souverain à sa place.

Il est utile de rappeler qu’après sa victoire sur les Espagnols, Abdelkrim avait déclaré l’institution d’une République dans le nord du Maroc avant sa capture. Il est également important de mentionner que la France avait eu recours à la même tactique au dix-neuvième siècle lors de sa guerre avec l’Émir Abdelkader Al-Jazaeri, lorsqu’elle intima au Sultan Abderrahman du Maroc que le leader de l’Algérie, l’Émir Abdelkader, avait l’intention de conquérir le Maroc et mettre fin à la dynastie du sultan. Ainsi la France put-elle inciter le sultan contre Abdelqader et empêcher le Maroc de soutenir les Algériens qui se battaient contre les Français.” Eltaher a aussi jeté la lumière sur les détails complexes des relations entre le roi Mohamed V et Abdelkrim après l’indépendance du Maroc. L’historique de cette question est détaillé dans le livre d’Eltaher intitulé “Khamsouna Aaman fil Qadaya Al-Arabeyya” des pages 804 à 808. Le livre contient aussi des détails supplémentaires sur l’enlèvement d’Abdelkrim et sa libération.
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