Le seul élément qui n’apparaît pas dans les pages du journal sont les annonces publicitaires de tous genres, afin que le journal ne se trouve pris en otage par les propriétaires de ces annonces, et ainsi sauvegarder l’indépendance intellectuelle du journal. Sauf en de très rares occasions lorsque Eltaher publie des annonces appuyant des projets nationalistes, tels que ceux de la Société égyptienne de filature et de tissage, une filiale de la Banque Misr (Banque d’Égypte)12.
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Talaat Harb Pacha
Fondateur du groupe Banque Misr en 1930 |
Par conséquent, les moyens financiers dont dispose le journal sont assez limités et ne vont pas au delà des frais d’abonnements des lecteurs qui appuient son orientation politique. Certains abonnés continuent de recevoir le journal sans régler les frais d’abonnement!
Rapidement, les puissances coloniales ont vent de ce journal et s’activent à le combattre directement ou par l’entremise de leurs agents arabes ou musulmans et font stopper sa publication. Les autorités mandataires britanniques en Palestine réussissent, quoique partiellement, à interdir la circulation du journal en Palestine. Nonobstant cette interdiction et la saisie du journal en Égypte, et dans les autres pays, Eltaher parvient toutefois à faire acheminer le journal à ses lecteurs.
Parfois Eltaher réussit à circonvenir la censure britannique en adoptant divers stratagèmes, selon la situation. Parfois il publie le journal sous d’autres appellations telles que “Al-Minhaj” et “Al-Nas”. Autrement, il fait emballer les numéros du journal en utilisant les premières pages d’autres journaux publiés dans des langues étrangères, tels que les quotidiens égyptiens “The Egyptian Gazette” et "Le Progrès Égyptien". Parfois il poste en vrac les numéros du journal à des amis, des connaissances ou des parents en Europe, et ceux-ci enveloppent chaque numéro dans des journaux publiés dans leurs pays de résidence et les réexpédient vers divers pays arabes ou islamiques où le journal d’Eltaher est banni.
Autre obstacle auquel les journaux nationalistes doivent faire face: l’importation du papier journal était un monopole contrôlé par certaines compagnies dont les propriétaires, particulièrement ceux appartenant à des groupes sionistes13, qui s’opposent décidément au courant nationaliste surtout palestinien. En refusant de vendre le papier journal à ceux qu’ils n’aimaient pas, ils pouvaient au moins partiellement limiter leur liberté d’expression, voire la disparition de leurs journaux.
Une fois il fait imprimer de larges enveloppes semblables à celles du gouvernement britannique portant l’inscription officielle du gouvernement “On His Majesty’s Service” (Au service de sa Majesté), et les utilise pour expédier son journal par la poste. Malgré toutes les restrictions et parfois les saisies, on répétait souvent parmi les groupes nationalistes arabes de l’époque que: “Le soleil ne se couche jamais sur deux choses: l’Empire britannique, et le journal publié par Mohamed Ali Eltaher”.